par Kharroubi Habib
Dans le cadre de sa tournée au Maghreb et en Europe qu’il a entamée le 27 octobre, l’envoyé personnel du secrétaire général de l’ONU pour le Sahara Occidental, Christopher Ross, a affirmé de Madrid à l’issue de son entretien avec le ministre espagnol des Affaires étrangères José Manuel Garcia-Margallo que le «statu quo relatif au statut final du Sahara Occidental est insoutenable et dangereux» et mis en garde la communauté internationale contre la grave erreur de calcul consistant à considérer qu’étant «trop risqué de relancer les efforts de paix, le statu quo garantit au moins la stabilité». Et de prévenir enfin que «si la situation est laissée en l’état, les violences pourraient reprendre avec des conséquences tragiques pour le peuple sahraoui».
Sombre perspective qui lui a fait appeler les parties prenantes au conflit à «s’engager au plus vite dans des négociations sérieuses car le conflit doit être résolu et cela est possible s’il existe une volonté réelle d’engager le dialogue». Sur l’existence de cette volonté du côté marocain, il est permis de douter après lecture du dernier discours du monarque Mohamed VI. Sachant que Christopher Ross qu’il a reçu à contrecœur à Rabat peu avant qu’il ne prononce ce discours, était revenu dans la région avec l’ambition de bousculer les lignes sur le dossier sahraoui, le roi a signifié qu’il s’en tient à sa condition que le «dialogue» avec le Polisario se limite pour celui-ci à accepter en tant que solution au conflit le projet marocain de «large autonomie» pour le territoire sahraoui sous occupation marocaine. Et pour mieux rendre difficile à l’envoyé spécial du secrétaire général sa tentative de relancer le dialogue, il s’en est pris en des termes virulents à l’encontre de ce Polisario et de l’Algérie qui selon lui est cause que le conflit sahraoui perdure.
Mohamed VI ne pouvait faire autrement que délivrer à son peuple un discours sans concession sur l’affaire sahraouie. C’est la seule autour de laquelle le trône peut espérer le soutien des Marocains dont l’union autour de lui s’est singulièrement effritée sous l’effet d’une situation économique et sociale qui s’est gravement détériorée dans le royaume, résultat de l’impact de la crise mondiale et de la zone euro. Mais aussi et surtout de l’injustice et de la corruption dans lesquelles baigne la gestion du pays dont les commandes réelles sont entre les mains du roi et de son entourage. C’est un classique pour la royauté marocaine qu’à chaque fois qu’elle voit poindre une contestation qui risque de l’ébranler, elle fait diversion sur la menace étrangère qui est pour elle bien entendu les Sahraouis qui refusent la «marocanité» de leur territoire occupé et last but no least l’Algérie voisine à laquelle il est évidemment prêté les plus noirs desseins à l’égard du Maroc et de sa stabilité.
Le roi a cette fois forcé jusqu’à l’excès dans l’exercice pour masquer au peuple marocain les avanies diplomatiques internationales que lui et son gouvernement ont essuyées en tentant d’imposer la politique du fait accompli sur le dossier sahraoui. Avanies dont les Marocains ont vérifié la réalité en constatant que malgré le retrait de confiance formulé par leur roi et son gouvernement à l’encontre de l’envoyé spécial du secrétaire général de l’ONU, celui-ci est tout de même revenu dans leur pays et qui plus est a été reçu au Palais et a effectué sa première visite en territoire occupé. Preuve pour eux que le monarque a été contraint de faire marche arrière dans sa tentative d’imposer à la communauté internationale ce fait accompli qu’il a voulu lui faire entériner.
Le Quotidien d’Oran, 15 nov 2012