Une solution pragmatique de la crise malienne se met laborieusement en place, alors que le ministre français des affaires étrangères Laurent Fabius effectue une visite en Algérie. Mais si la première phase de cette solution envisagée réunit un consensus, les divergences restent entières pour la suite, avec notamment deux démarches nettement distinctes. L’une, prônée par la France, s’appuie sur une intervention militaire ; la seconde, défendue par l’Algérie et ses alliés africains, privilégie la négociation.
La France perd la main au Mali. La solution préconisée par Paris, envisageant clairement une intervention militaire, ne trouve guère de supporters en dehors de ses clients africains les plus proches. Et au moment où le ministre français des affaires étrangères Laurent Fabius effectue une visite à Alger, pour défendre la vision française de la solution de la crise au Mali, l’Union africaine, qui tient son sommet à Addis-Abeba, apporte un large soutien à une solution politique.
Pour la France, une reconquête du Nord du Mali par les armées de la Communauté des Etats de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO) constituait la seule alternative pour contrer l’avance des rebelles touareg. Jouant fortement sur l’émotion, Paris a tenté d’imposer cette démarche et de la faire avaliser par la communauté internationale.
Ainsi, ont été mises en scène les destructions de mausolées traditionnels à Tombouctou, au nord du Mali, par les islamistes du groupe Ansar Eddine, qui contrôlent le nord du pays. De même, les déclarations de dirigeants rebelles affirmant leur volonté d’appliquer la chariaa, ou punissant ceux qui l’ont enfreinte, ont provoqué une radicalisation de l’opinion contre les rebelles maliens.
Mais la démarche française était visiblement inapplicable. Elle butait sur deux grands obstacles. Aucune solution n’était viable tant qu’il n’y aurait pas à Bamako un pouvoir central crédible, capable de respecter un accord politique et de le faire respecter. De plus, la France ne voulait pas intervenir directement au Mali au moment où elle se retirait précisément d’Afghanistan. Elle voulait une participation de l’armée algérienne à l’opération, ce qui a donné lieu à de curieux hommages à la puissance de l’armée algérienne, flattée par les spécialistes et les chroniqueurs français.
La diplomatie algérienne marque des points
Mais l’Algérie s’est refusée de participer à ce qu’un diplomate a qualifié d’aventure. Pour l’Algérie, la solution est politique. Elle l’a inlassablement répétée, affirmant qu’il est possible de négocier avec Ansar Eddine et le Mouvement National de Libération de l’Azawed (MNLA). Ramtane Lamamra, un des meilleurs connaisseurs algériens de la diplomatie africaine, a ainsi déclaré dimanche qu’une solution politique était toujours possible, en menant une double action. D’un côté, isoler le mouvement Ansar Eddine d’Al-Qaïda et des mouvements jihadistes, et de l’autre côté, en invitant le MNLA à abandonner l’idée séparatiste pour aller vers une solution démocratique basée sur la reconnaissance des droits économiques et culturels des Touareg maliens.
Abdelkader Messahel, ministre délégué aux affaires maghrébines et africaines, prenait le risque, de son côté, d’affirmer sa conviction que la négociation pouvait tout apporter alors que les islamistes d’Ansar Eddine étendaient encore leur contrôle au Mali. « On peut négocier avec le MNLA et avec Ansar Eddine, oui », a-t-il affirmé. « Les membres d’Ansar Eddine ne sont pas des salafistes », et Iyad Ag Ghali, chef du mouvement, a été « l’un des négociateurs du Pacte national. C’est un interlocuteur comme les autres », a-t-il rappelé.
Les choses semblent, pour une fois, donner raison aux diplomates algériens. Ceux-ci obtenaient, dans un premier temps, la libération du consul et des six employés consulaires algériens enlevés à Gao, avant que l MNLA n’annonce publiquement sa décision de renoncer à l’idée d’indépendance. Dans le même temps, l’Union Africaine, réunie en sommet à Addis-Abeba, affirmait sa préférence pour la solution politique.
Maghreb Emergent, 16/07/2012