Le Mujao, l’ennemi venu du Sud

Le Mouvement unicité et jihad en Afrique de l’Ouest a revendiqué, vendredi soir, l’attentat à la voiture piégée qui a ciblé le siège du quatrième commandement régional de la Gendarmerie nationale de Ouargla. Une opération qui confirme aujourd’hui que le Mujao est devenu une véritable menace pour la sécurité intérieure de l’Algérie. 
Tarek Hafid – Alger (Le Soir) – Les terroristes du Mouvement unicité et jihad en Afrique de l’Ouest n’ont attendu que quelques heures pour revendiquer l’attentat qui a ciblé vendredi matin le siège du commandement régional de la Gendarmerie nationale de Ouargla. «L’attaque contre le siège de la gendarmerie algérienne ce (vendredi) matin à Ouargla a été effectuée par un jeune Algérien de la même ville. (…) Les cellules de la branche Mujao en Algérie ont réussi à asséner une punition rapide pour les autorités algériennes», a rapporté tard dans la nuit de vendredi l’Agence France Presse en citant un message transmis par le porte-parole du Mujao, Adnan Abu Walid Sahraoui. «Sa voiture Toyota 4×4 transportait presque 1 300 kg de matières explosives, et les services de renseignements de l’Algérie n’ont pas estimé la situation comme il faut», a précisé le porte-parole de cette organisation terroriste. Dans son message, Adnan Abu Walid Sahraoui justifie cet attentat en accusant l’Algérie d’avoir poussé le Mouvement national de libération de l’Azawad (MNLA, organisation politique des Touareg du Nord-Mali) à combattre le Mujao. «Le MNLA a été poussé par l’Algérie à aller dans une guerre avec les moujahidine perdue d’avance», note-t-il. La piste du Mujao n’a donc pas tardé à se confirmer. Après Tindouf au mois d’octobre 2011, Tamanrasset en mars et Gao en avril, le groupe terroriste est sorti de la zone du Sahel pour remonter vers le nord du territoire algérien et frapper une cible située dans un périmètre hautement sécurisé. 
Narcotrafic
Le montage d’une telle opération nécessite la mise en œuvre d’une organisation importante. Le Mujao a vraisemblablement dû monter plusieurs réseaux pour obtenir des renseignements et acheminer le véhicule, les armes et les explosifs. Il a sûrement dû recruter parmi les éléments de certaines «cellules dormantes » d’Al-Qaïda, probablement de Ouargla ou de Oued-Souf. En fait, cette sortie opérée en dehors de sa «zone d’influence» a été rendue possible grâce à un atout-clé : l’argent. Selon certains observateurs de la situation sécuritaire au Sahel, la force du Mouvement unicité et jihad en Afrique de l’Ouest réside dans ses capacités financières. Entré en activité en automne 2011, le Mujao a été créé par des terroristes d’Aqmi suite à un conflit sur le partage de l’argent de la drogue. La «dissidence» avec l’organisation d’origine, évoquée lors de la première opération (le kidnapping des trois ressortissants européens d’un camp de réfugiés sahraouis de Tindouf), n’a aucune base idéologique mais repose uniquement sur la «gestion» du flux du narcotrafic. Ces dernières années, Aqmi et, depuis peu, le Mujao sont chargés de sécuriser le transport de stupéfiants. Car la drogue circule en très grandes quantités dans la sous-région du Sahel. Il y a d’abord le chanvre indien que produit le Maroc en quantité industrielle. Celui-ci traverse les régions frontalières de Tindouf et de Béchar puis la Mauritanie, le Mali, le Niger avant d’être acheminé vers les pays du Moyen-Orient et d’Asie. Il y a ensuite la cocaïne latino-américaine qui arrive par navire jusqu’aux côtes d’Afrique occidentale — notamment la Guinée-Bissau — avant de transiter à travers la sous-région du Sahel et remonter vers les pays européens. La «prestation» offerte aux narcotrafiquants par Aqmi et le Mujao permet à ces deux organisations terroristes d’amasser d’importantes sommes en euro et en dollar américain. Les kidnappings, autre source de financement de ces organisations dans la région, n’a, pour l’heure, pas rapporté grand-chose au Mujao. Contrairement à Aqmi, qui est parvenue à «monnayer» la vie de plusieurs otages ces dernières années.
Effet Frankenstein 
Cependant, le Mujao n’est pas une simple organisation terroriste qui brasse des milliards. Ce groupe dispose également d’un agenda politique très précis. Un agenda axé sur le Nord-Mali — qu’il contrôle en partie — et surtout l’Algérie. «Le Mujao est un groupe douteux. Il porte le nom de l’Afrique de l’Ouest mais s’attaque à l’Algérie. Sa première cible a été les camps de réfugiés à Tindouf où il kidnappe des ressortissants étrangers. Cette opération a fait le bonheur du Maroc car l’enlèvement visé a discrédité l’Algérie et le Front Polisario. Ceci avait permis au Maroc et à d’autres de dire que l’Algérie n’a pas la capacité de jouer le rôle de leader au Sahel. Puis il y a l’attaque de Tamanrasset qui ne se trouve pas en Afrique de l’Ouest», souligne Yahia Zoubir, professeur de relations internationales et directeur de recherche en géopolitique à Euromed Management Marseille. Le professeur Yahia Zoubir estime que les véritables initiateurs du Mouvement unicité et jihad en Afrique de l’Ouest ne devaient pas tarder à apparaître au grand jour. «Mais, comme on l’a vu pendant la guerre d’Afghanistan, ce genre de mouvement se retourne contre ceux qui ont permis sa création, c’est ce que l’on appelle l’effet Frankenstein.»

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