Cela s’est passé en mai, cependant on ne cessera de ressentir les effets d’une telle décision dans les semaines, les mois, voire les années à venir.
La décision du Maroc de retirer sa confiance à l’émissaire spécial de l’ONU, Christopher Ross, ne va pas régler le conflit du Sahara occidental, qui devient le conflit le plus ancien au monde et qui dure. Le gouvernement marocain a qualifié de « partiales » et de « déséquilibrées » les positions du diplomate américain Christopher Ross, en charge du contentieux sahraoui. L’ONU n’a pas manqué de réitérer immédiatement sa « toute confiance » à son envoyé spécial. Soufflant le chaud et le froid, Rabat a joué, depuis, l’apaisement mais tout en demandant à ce qu’un nouvel envoyé spécial soit nommé, suggérant au passage, que ce soit un Européen.
Bien entendu, cette situation favorise une fois de plus le statu quo même si les autorités marocaines, selon les déclarations du ministre marocain délégué aux Affaires étrangères, Youssef Amrani, ont indiqué que « le Maroc restera engagé avec sérieux (…) dans les efforts de l’ONU pour dépasser l’impasse ».
Cela étant, s’il y a des avantages à tirer du statu quo, il n’en demeure pas moins que la décision marocaine a des répercussions négatives, notamment en embourbant plus le conflit dans la stagnation, mais en jetant aussi de sérieux doutes quant à la bonne volonté marocaine d’en finir avec ce problème.
Cela est d’autant plus vrai que la contestation marocaine accompagnée d’un retrait de confiance met mal à l’aise l’ONU. Celle-ci ne peut non plus abonder dans le sens de Rabat sans être accusée à son tour de partialité, mais cette fois par les Sahraouis et la communauté internationale.
Pourtant, on le sait bien, en dehors d’un règlement sous l’égide de l’ONU, rien n’est possible au Sahara Occidental. La seule solution envisageable politiquement demeure le référendum dont les Marocains ne veulent même pas entendre parler.
Dans le même temps comment interpréter l’appel du gouvernement marocain aux Nations unies pour que l’organisation rende justice au Maroc ? Le ministre marocain de la Communication, porte-parole du gouvernement, Mustapha El Khalfi a transmis une demande officielle à l’ONU indiquant que « le dossier du Sahara est entre les mains du secrétaire général des Nations unies, Ban Ki-moon afin de rendre justice au Maroc et de redresser le processus de négociations », soulignant au passage que « le Maroc s’inquiète car ce dossier a trop duré au sein de l’ONU ».
Dire la chose et son contraire peut ressembler à des manœuvres pour temporiser. Effectivement, malgré la volte-face marocaine concernant Ross, il n’en demeure pas moins que Rabat s’en remet toujours à l’ONU. Mais l’ONU est mise dos au mur quand son représentant qui a pu le plus fait avancer le dossier, est refusé par une des parties du conflit.
On en est finalement à chercher un remplaçant pour Ross, indiquant que le Maroc a quelque part gagné la partie. Le nom de l’ancien secrétaire d’Etat américain, Collin Powell, a circulé un temps. Puis on aurait opté pour un Européen.
BLOCAGE ?
Il n’en demeure pas moins que la situation est bloquée pour un temps, hypothéquant même les timides avancées des pourparlers indirects de Manhasset. Neuf rounds de discussion dont le seul bilan, il est vrai, sont les rounds eux-mêmes. Les deux antagonistes ne se parlaient même pas.
Quant à l’ONU, son Conseil de sécurité a surtout épinglé dans sa résolution de ce mois d’avril le comportement des autorités marocaines envers les Casques bleus et les Sahraouis. L’organisation internationale avait également demandé à Rabat « d’améliorer la situation des droits de l’Homme » au Sahara Occidental.
En dehors de l’ONU, on retrouve des positions partiales comme celle de la France, soutien traditionnel du Maroc qui a répété « son appui au plan d’autonomie marocain, qui est la seule proposition réaliste aujourd’hui sur la table des négociations et qui constitue la base sérieuse et crédible d’une solution ». Un appui à une colonisation aux formes adoucies. Avec l’élection de François Hollande à la tête de l’Etat français, les Sahraouis n’ont pas manqué d’aller plaider leur cause et éviter que ce « soutien indéfectible » soit au détriment de la justice. Ils ont demandé à François Hollande de soutenir « le droit à l’existence du Sahara occidental ».
Washington, pour sa part, s’est déclaré en février favorable à une solution « mutuellement acceptable ». Une solution qui n’a pas encore pointé le bout du nez.
On le sait bien, depuis la fin des affrontements armés, il y a plus de 20 ans, le conflit sahraoui ne se fait plus sur les terrains désertiques des Reguibat. Il se joue essentiellement dans les couloirs et les salles calfeutrées des bureaux des affaires étrangères du monde.
Horizons, 15/06/2012
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