Pour comprendre tout ce qui se passe aux frontières Nord-ouest et Sud-ouest du pays, point de départ des narcotrafiquants qui inondent l’Algérie de cannabis, nous nous sommes rendus à Tlemcen, Bab El âssa, Maghnia et Sidi Bel Abbès. Notre périple de 5 jours, nous a permis d’en savoir plus sur le mode opératoire de ces narcotrafiquants,vsans foi ni loi, les traces qu’ils laissent, l’argent qu’ils gagnent. Gâce soit rendue aux enquêteurs spécialisés de la Gendarmerie N ationale, qui nous ont été d’un garnd ‘’Plus’’ pour la confection de ce reportage-témoignage.
De notre envoyé spécial à Bab Aâssa Lotfi Itou
C’est à partir de ces investigations que nous avons pu avoir beaucoup d’éléments et par la même occasion savoir comment ces réseaux transfrontaliers ciblent l’Algérie à partir du Maroc et de l’Europe. Des mesures ont été prises par les GGF visant à freiner la cadence diabolique des réseaux de drogue qui ne laissent pas échapper une occasion pour envoyer leurs » poisons » vers l’Algérie.
Bab El assa à 10 km du Maroc, lieu privilègié des « Hellabas » et des « M’khaznyas »
Bab El assa, mercredi 12 juin:
Une localité frontalière avec le Maroc là où les Gardes-frontières du 19e GGF relevant de la Gendarmerie Nationale viennent de donner un nouveau coup sévère aux narcotrafiquants en procédant à la saisie 8 tonnes de canabis. Il s’agit de la troisième opération menée depuis le 1er janvier dernier par la 19e GGF de Tlemcen après les 4 et 9 tonnes de drogue saisies depuis avril dernier, respectivement à Lala Aicha et Boudjedour. Face à cette montée inquiétante qui s’inscrit dans une conjoncture très particulière, et vu l’importance des enjeux politico-sécuritaires, le Commandement de la Gendarmerie Nationale a jugé utile de s’adresser aux médias pour faire un point sur la situation et, par la même occasion, de faire un bilan des saisies opérées depuis janvier passé. Une invitation appropriée d’autant plus que notre pays traverse une période cruciale, à cause des sérieuses menaces des narcotrafiquants (Hellabas et M’khaznyas) . Des menaces qui visent à nouïr à la sécurité et à la stabilité de notre pays, entrant, plus loin dans la » sphère » du » Printemps arabe « . La preuve, les desseins visant de faire de l’Algérie un marché de drogue par excellence » orchestrés » par les trafiquants marocains de drogue (qui agissent via d’autres parties) se sont multipliés avec les fournisseurs de drogue. Petite comparaison: En 2011, seulement 30 tonnes de kif traité ont été saisies, l’année suivante, rien que durant les cinq premiers mois, ce sont 60 tonnes du mêmepoison qui sont saisies. Pourquoi cette croissance ? L’Algérie est-t-elle devenue le nouvel eldorado des cartels de drogue marocains ? Que peut-on tirer comme » leçons » à partir de ce » tsunami » de drogue ? la réponse est venue des spécialistes. Selon le Colonel B. N, Commandant de la Compagnie de la Gendarmerie Nationale de Tlemcen, « les narcotrafiquants sont passés à un stade supérieur. Ils font tout pour inonder l’Algérie de drogue. Ils arrivent même à disposer de véhicules volés en Espagne, pour les acheminer vers le Maroc avant de les bourrer de drogue à destination de l’Algérie « , explique-t-il. S’exprimant sur le potentiel des trafiquants de drogue le Colonel nous répond, « le potentiel est inquiétant. D’abord, il faut s’attendre à un développement plus conséquent des réseaux. Ces derniers, peuvent à l’avenir utiliser des armes lourdes pour défendre les quantités de drogue qu’ils transportent. Je parle, ici, des frontières Ouest, car si on prend les frontières Sud du pays, là, les narcotrafiquants ont déjà utilisé des FM/PK contre les GGF pour tenter de faire passer leur drogue « . En effet, les narcotrafiquants sont fortement armés. Ils disposent d’armes automatiques entre autres de Kalachnikovs du type AK/47 et des FM/PK utilisés contre les GGF. C’était le cas il y’a un an, à Tindouf, lorsqu’un convoi composé de deux véhicules de trafiquants avait tué un gendarme. Un autre drame avait eu lieu dans la même wilaya, toujours durant l’année passée, lorsque des trafiquants de cannabis avaient utilisé leurs armes en tirant plusieurs balles sur un gendarme le tuant sur le champ. » Nous sommes conscients des dangers des trafiquants. Ces derniers n’hésiteraient jamais à utiliser leurs armes pour tuer les gendarmes dans le souci de faire parvenir la drogue à sa destination « , explique toujours le Colonel Boukhbiza.
60% de la drogue entrant en Algérie part vers la Libye, le Mali et Israël
Poursuivant son récit, le Colonel Boukhbiza nous fait part d’autres détails intéressants. D’abord sur les destinations des tonnes de drogue qui entrent via le territoire algérien depuis le Maroc. Sur ce point, le Colonel révèle que « d’après nos enquêtes menées depuis de longs mois nous avons pu élucider beaucoup de choses intéressantes. D’abord, les tonnes de drogue qui sont envoyées vers l’Algérie sont destinées à la Libye, au Moyen Orient y compris Israël, cela sans oublier d’autres tonnes qui finissent en Europe et au Mali « , explique-t-il. Et lorsque nous lui avons posé la question si les narcotrafiquants sont en connexion avec les groupes terroristes activant au Sahel, sa réponse était affirmative. » Oui, c’est tout a fait logique de parler de cette connexion. Les narcotrafiquants ont bel et bien un lien avec les terroristes au Sahel. Nous les considérons au même titre que les terroristes. Pour nous, les narcotrafiquants et les terroristes sont nos ennemis et il n’y a aucune différence entre les deux « .
Des patrouilles le jour et des embuscades le soir
La nouvelle stratégie des GGF, qui consiste à maintenir une haute surveillance sur les frontières Nord-Ouest s’est avérée très payante. Tout en menant des embuscades nocturnes à des endroits susceptibles de servir de lieu d’acheminement des quantités de drogue, les gendarmes opèrent durant le jour par patrouilles mobiles et pédestres visant à prévenir les pires scénarios. Grâce à ce plan sécuritaire, les gardes-frontières (GGF) relevant de la Gendarmerie Nationale continuent d’asséner des coups durs aux narcotrafiquants sévissant sur la bande frontalière algéro-marocaine. En effet, depuis plusieurs semaines les opérations anti-stups se sont intensifiées au niveau des frontières Ouest, traquant les trafiquants de drogue, avec le maintien d’une forte pression sur les 800 km de frontières. Les résultats de cette traque permanente ne se sont pas fait attendre avec près de 60 tonnes de drogue saisies en l’espace de cinq mois. La nouvelle stratégie des forces de la Gendarmerie Nationale, qui consiste à maintenir une haute surveillance sur les frontières Ouest tout en menant des embuscades nocturnes à des endroits susceptibles de servir de lieu d’infiltration des véhicules bourrés de cannabis, semble payante. La si
multanéité des opérations anti-stups avaient permis de mettre la main sur près de 60 tonnes de kif traité, venues du Maroc et destinées aux pays voisins et étrangers.
multanéité des opérations anti-stups avaient permis de mettre la main sur près de 60 tonnes de kif traité, venues du Maroc et destinées aux pays voisins et étrangers.
Alerte aux frontières Ouest
Les réseaux du crime organisé considèrent l’Algérie comme un pays important dans le cadre de leurs activités. Sérieusement implantés en Europe et au Maroc, ces réseaux de trafic de drogue arrivent à voler des véhicules de luxe en Espagne et en Belgique avant de les bourrer de kif traité et les envoyer vers l’Algérie. Pis, les tonnes de cannabis qui transitent via l’Algérie sont destinées à la Libye, au Mali, au Liban, à Israël, à l’Europe et à la Jordanie, confirment les enquêtes menées par la Gendarmerie Nationale. Les troubles sécuritaires existants en Libye, en Tunisie, au Mali et en Egypte ont favorisé la montée des activités du crime organisé, auxquelles l’Algérie fait, aujourd’hui, face. Seule contre tous, l’Algérie est en train de fournir des efforts considérables pour le bien de toute la région du Maghreb. En cinq mois, 59 tonnes de drogue ont été saisies aux frontières Nord-ouest et Sud-ouest du pays. A Tlemcen seulement, 30 tonnes de cannabis ont été interceptées par les gendarmes. Sur le plan régional Ouest ce sont 39 tonnes qui ont été saisies. Alerte. La littérature, le progrès et la technologie sont considérés comme étant de « drogues dures » chez nos voisins européens, mais juste devant nos portes Nord-ouest, la tendance est tout à fait contraire. Ici, le voisin marocain semble décidé à faire de l’Algérie un pays de drogue. La preuve est là, en chiffres. Des chiffres qui n’ont jamais atteint le seuil. Uniquement pour les cinq premiers mois nous sommes déjà arrivés à la barre des 60 tonnes, pourtant infranchissable voilà des années avant. Pourquoi cette montée ? L’Algérie est-t-elle devenue l’eldorado des drogues ? Pourquoi les narcotrafiquants ciblent-ils uniquement notre pays ? Quelles sont les raisons ? Nous allons y répondre à travers ce petit reportage réalisé depuis lundi passé, aux frontières Nord-ouest. Un reportage réalisé en compagnie des GGF (Gardes-frontières) de Aâricha et Bab El assa, respectivement de la 25e et 19e GGF de Tlemcen. Partant des dernières saisies opérées il y a cinq jours où plus de 8 tonnes de drogue avaient été interceptées par les GGF de Tlemcen.
Les 25e et 19e GGF veillent 24/24
Lundi 11 juin, nous fûmes arrivés à Tlemcen juste quelques heures après les deux coups de filets opérés par les 25e et 19e GGF de Tlemcen. Après une petite halte, nous nous sommes déplacés vers le campement de la 25e GGF d’Aâricha. Ici, les gendarmes jubilent leur butin, ce sont 69 quintaux de kif traité, interceptés à 100 mètres seulement du tracé frontalier algéro-marocain. Selon le Capitaine Hellal, Chef par intérim de la Section de Recherche, l’opération menée, lundi passé, contre les narcotrafiquants a été un succès. » C’était vers les coups de 1H00 du matin. Nous étions embusqués et prêts à agir au cas où des narcotrafiquants utilisent la bande frontalière pour tenter, comme à leur accoutumée, d’introduire la drogue « , explique-t-il. Il ajoute, » Nous étions sur nos gardes d’autant qu’il y’avait ce jour-là le match de football entre l’Algérie et le Mali (joué quelques heures avant). Un évènement important où généralement les narcotrafiquants essayent de profiter pour faire écouler leur drogue via les frontières algériennes, croyant que la surveillance des GGF allait baisser. Et c’était le cas ce jour-là puisque au bout de quelques dizaines de minutes après, soit à 1H30 mn du matin, deux véhicules de marque Mercedes Benz (Sprinter) avaient franchi la frontière, venant du Maroc et partant vers l’Algérie. Les narcotrafiquants roulaient à une vitesse lente, cela pour éviter de faire de bruit dans le but de ne pas éveiller les GGF, mais nous les avons aperçus, déjà. Dix minutes après, nous avons lancé l’assaut contre les deux fourgons, au même moment les occupants des deux engins se sont vite éclipsés en prenant la fuite vers le Maroc, surtout qu’il faisait noir, bien entendu à l’avantage également du terrain qui est accidenté « . Et combien de tonnes ont été saisies ? Le Capitaine Hellal paraît très satisfait du rendement des GGF et nous répond, » lorsque nous avons passé au peigne fin les deux fourgons, (après contrôlé par les artificiers, car il ne faut pas oublier une chose importante, c’est que les narcotrafiquants sont considérés comme des terroristes. Ils peuvent laisser des engins piégés à l’intérieur de leurs véhicules bourrés de kif. Devant cette probabilité, nous agissons toujours après le travail des artificiers qui confirment ou pas l’existence d’un engin explosif). Nous avons saisi à l’intérieur des deux fourgons 6,9 tonnes de cannabis « . Après la 25e GGF d’Aâricha nous nous sommes dirigés, par la suite, vers la 19e GGF de Bab Aâssa, où une autre opération avait eu lieu durant la même nuit et qui s’est soldée par la récupération de plus de 1,1 tonne de kif traité.
Les réseaux activant en Europe
D’où parviennent tous ces véhicules bourrés de kif traité ? Comment arrivent-ils à disposer de tant de voitures ? Dans quels pays européens activent les réseaux du crime organisé ? Des questions qui sont élucidées par les gendarmes experts de l’INCC de Bouchaoui. Grâce à ces enquêtes, la Gendarmerie Nationale à pu identifier les marques des véhicules volés en Europe et, par la même occasion, localiser les capitales européennes où ces véhicules sont volés. Au fait, les narcotrafiquants marocains sont en train de mieux s’organiser en bénéficiant, toutefois, de l’aide précieuse de leurs acolytes établis en Europe. Ces derniers sont établis, généralement, en Espagne et en Belgique là où de fortes communautés marocaines sont implantées. Ainsi, de luxueuses voitures, de différentes marques, entre autres, des Range Rover, Mercedes Benz, Volkswagen et Audi A5 sont volés en Europe, puis envoyés au Maroc pour être bourrées de kif et acheminées vers l’Algérie. Ce sont là des éléments d’enquête tirés par les gendarmes qui, au fil des saisies des quantités de drogue ont pu élucider les techniques des réseaux de trafic de cannabis. Donc, il s’agit du crime organisé. » Oui « , nous répond le Colonel A.K..selon qui, » La Gendarmerie Nationale s’adapte à la spécificité du crime dans chaque région du pays. Pour ce qui est de Tlemcen, nos éléments ont acquis une expérience dans le domaine de la lutte contre les stupéfiants et le crime organisé. Grâce à cette expérience nos éléments ont pu s’adapter rapidement et efficacement aux criminels « .
Quand les narcos ciblent l’Algérie
En cinq mois les trafiquants de cannabis ont dû passer à un stade supérieur. La preuve, la quantité de la drogue saisie jusqu’au 11 juin s’élève à 60 tonnes, alors qu’aux années précédentes il s’agissait que de la moitié de ce qui a été intercepté durant l’année en cours. Pourquoi cette montée ? La réponse est claire. L’Algérie est devenue, aujourd’hui, la seule voie sûre pour les narcotrafiquants, car l’éteau s’est resserré en Espagne, d’autant que les narcotrafiquants marocains ont dû abandonner cette piste. Ajouter à cela, l’insécurité qui règne en Libye, en Tunisie, en Egypte et au Mali; ce qui a permis aux na
rcotrafiquants d’avoir de nouveaux » marchés » où, ils comptent à tout prix acheminer des tonnes de drogue en utilisant les voies algériennes. Il y a une autre explication à cette montée des narcotrafiquants: il se trouve que les stocks de drogue se trouvant dans les dépôts au Maroc débordent. Il s’agit de la drogue de l’année passée dontles narcotrafiquants comptent se débarrasser, à tout prix, en les envoyant vers l’Algérie. Alors que la drogue produite cette année sera, ainsi, remplacée dans les dépôts à la place de l’ancien produit.
rcotrafiquants d’avoir de nouveaux » marchés » où, ils comptent à tout prix acheminer des tonnes de drogue en utilisant les voies algériennes. Il y a une autre explication à cette montée des narcotrafiquants: il se trouve que les stocks de drogue se trouvant dans les dépôts au Maroc débordent. Il s’agit de la drogue de l’année passée dontles narcotrafiquants comptent se débarrasser, à tout prix, en les envoyant vers l’Algérie. Alors que la drogue produite cette année sera, ainsi, remplacée dans les dépôts à la place de l’ancien produit.
La guerre aux barons bat son plein
Obéissant aux ordres de leurs supérieurs qui se trouvent au Maroc et en Europe, les barons algériens de trafic de drogue sont identifiés par les gendarmes et font l’objet d’une traque sans relâche. Il s’agit de six barons dont les recherches en vue de les interpeller, sont intenses. Selon le Colonel N. B, une banque de données affichant tous les éléments d’enquêtes sur le trafic de drogue est établie à l’INCC de Bouchaoui. C’est à partir de cette banque de données que les criminels les plus dangereux sont recherchés après les avoir identifiés. Ces six barons de drogue sont originaires de l’Ouest du pays, dont l’ âge varie entre 30 et 40 ans seulement.
La Gendarmerie Nationale et l’Interpol ensemble pour un même objectif
Dans le cadre de la lutte contre les réseaux de trafic de drogue la gendarmerie nationale a, à maintes reprises, envoyé des données importantes au profit de l’Interpol. Lors des saisies des véhicules de luxe utilisés par les narcotrafiquants, les marques et les numéros de châssis de ces véhicules seront systématiquement envoyés à Interpol. Cette police internationale lancera à son tour des enquêtes dans le but d’élucider les circonstances des vols de ces engins dans plusieurs villes européennes. Le but est d’arriver à identifier les vrais barons, établis en Europe et qui restent, malgré les coups terribles qui leur sont chaque fois portés, très actifs.
L. I.
Les Débats, 17/06/2012
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