RABAT – Entre 600 à 800 cas d’avortement clandestin sont pratiqués quotidiennement au Maroc, dont certains provoquent des complications graves sur la santé de la femme et peuvent conduire au décès, selon l’Association marocaine de lutte contre l’avortement clandestin (AMLAC).
Le président de l’AMLAC, Chafik Chraibi, a indiqué mardi à Rabat, à l’occasion de la tenue du 2e congrès de cette association réunissant tous les acteurs concernés, à savoir la société civile, les décideurs politiques, les prestataires de soins et les personnalités religieuses que l’avortement clandestin est « une véritable tragédie » au Maroc.
Il a estimé que l’avortement constitue une solution pour des centaines de femmes pour se débarrasser des grossesses non désirées qui engendrent de graves problèmes sociaux, notamment le suicide, l’expulsion du giron familial, les crimes d’honneur, la hausse du nombre des enfants abandonnés et les peines d’emprisonnement à l’encontre des médecins et du personnel médical.
Il a noté que la loi réglementant l’avortement « n’est pas compatible avec les réalités sociales au Maroc » et les grands changements sociaux, soutenant qu’à la lumière de ces données » il est préférable pour certains cas, à savoir le viol, l’inceste et les malformations du fœtus, de procéder à l’avortement dans de bonnes conditions médicales pour limiter les conséquences de l’avortement clandestin ».
De son côté, la 4ème vice-président de la Chambre des représentants, Khadija Rouissi, a relevé que les lois réglementant la pratique de l’avortement sont « injustes et inappropriées au développement politique, social et des droits au Maroc ».
Elle a souligné que le traitement des cas de grossesses non désirées par des lois appropriées permet de garantir le déroulement de l’avortement dans de bonnes conditions assurant la sécurité des femmes.
Pour sa part, l’ancienne ministre du Développement social, de la famille et de la solidarité, la députée Nouzha Skalli a attiré l’attention sur la nécessité de mettre en place rapidement une nouvelle loi « dans le cadre d’un consensus national visant à éviter les maux sociaux issus de la grossesse non désirée », appelant à faire preuve de courage pour débattre et trouver des solutions à ce problème social.
En octobre 2011, le dossier de l’avortement au Maroc avait connu un tournant important après la déclaration de Nouzha Skalli où elle s’est prononcée en faveur d’une légalisation de l’avortement dans les cas extrêmes, notamment le viol, l’inceste ou les malformations profondes du fœtus.
L’actuelle ministre du Développement social, de la femme, de la famille et de la solidarité, Mme Bassima Hakkaoui, du Parti Justice et développement (PJD, islamiste), absente de cette rencontre, ne partage pas l’avis de celle qui l’a précédée en déclarant à maintes reprises que l’avortement est prohibé, car il prive le fœtus de son droit à la vie.
Elle avait déclaré en février dernier que l’élaboration d’une loi autorisant l’avortement dans des cas particuliers nécessitait l’ouverture d’un débat « profond » entre médecins, psychologues et oulémas.
Elle avait estimé qu’ »avant d’adopter une loi pour traiter de cas particuliers comme l’inceste ou la grossesse résultant du viol, qui constituent des drames au vrai sens du terme, il faut engager un débat sur le sujet entre médecins, psychologues et oulémas afin d’aboutir à des résultats positifs ».
La loi marocaine actuelle interdit de manière stricte l’avortement, excepté dans le cas où la santé et/ou la vie de la mère seraient en danger. Les peines prévues en cas d’avortement sont lourdes et comportent des sanctions privatives de liberté.
Ainsi, l’article 449 du Code pénal punit de 1 à 5 ans de prison toute personne ayant provoqué, ou tenté de provoquer, un avortement avec ou sans l’accord de l’intéressée. La peine est portée à 20 ans de réclusion en cas de décès et est doublée si l’avorteur est récidiviste.
L’article 454 punit de 6 mois à 2 ans toute femme s’étant livrée à l’avortement sur elle-même tandis que et l’article 455 punit de 2 mois à 2 ans les complices d’un avortement, notamment les intermédiaires ou les vendeurs de produits abortifs.
Créée en 2008, l’AMLAC a pour objectif d’ouvrir un débat sur la question, de sensibiliser l’opinion publique sur la problématique et de plaidoyer auprès des décideurs politiques pour une révision de la législation à la lumière des réalités quotidiennes.
APS, 13/06/2012
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