Par : Malainin Lakhal (*)
Peut-on guérir d’un cancer avec de l’aspirine? Peut-on faire justice dans un meurtre en s’acharnant contre la dépouille de la victime et en cherchant des excuses au meurtrier? Cela peut paraître bizarre, pourtant c’est le remède préconisé par l’ONU, des États et certains “experts”, quand il s’agit de la question du Sahara Occidental.
Combien de fois a-t-on entendu parler de “la nécessité de trouver de nouvelles idées” pour résoudre ce conflit ou encore “une solution de non-vainqueur non-vaincu?” Ainsi, au lieu d’appliquer la loi internationale, on doit tolérer les agressions commises par des États puissants ou des régimes “protégés”, pour leur permettre toujours de s’en sortir avec un peu de “butin” dans la main.
Dans son analyse du dernier rapport de Ban Ki-moon, parue sur le site Affaires stratégiques Info, en date du 29 mai dernier, la chercheure Khadija Mohsen-Finan estime que “le Maroc se prive de la bienveillance de l’ONU”. Elle étale, en effet, les dénonciations adressées par ce rapport au Maroc, l’accusant d’être la source d’obstacles qui entravent le règlement de cette question. Selon ce rapport, Rabat espionne la Minurso, entrave son travail et soumet la mission onusienne à des contraintes administratives, en continuant à violer les droits de l’Homme et en maintenant la Minurso dans une position d’incapacité pour honorer son mandat. Le rapport, souligne Mme Mohsen, “interroge très justement ce qui est légitime et ce qui est légal, dans l’action du Maroc au Sahara, comme il nous interpelle sur la crédibilité de la Mission de l’ONU…” Tout cela est vrai, et je crois même que cette “prise de conscience” de l’ONU est bien tardive, si l’on prend en considération les déclarations, faites depuis les années 1990, par l’ambassadeur américain, Frank Ruddy, Johans Manz (cité dans l’analyse de K. M.-F.) ou Francisco Bastagli et autres officiers et fonctionnaires de la Minurso, qui ont tous dénoncé ces obstacles sans que l’ONU ne réagisse. Mais, là n’est pas le but de cet article. Ce qui nous paraît vraiment flou pour ne pas dire “louche”, c’est cette nouvelle tendance d’élaboration de “nouvelles idées”, de nouveaux termes et propositions, qui n’aide certainement pas à trouver la solution du conflit, mais peut la rendre plus compliquée, parce qu’elle se détourne des vrais problèmes et cherche à soigner “un cancer d’occupation” avec de “l’aspirine” qui vise à calmer les revendications d’un peuple occupé et opprimé.
Contours du mandat du Polisario.
La première de ces idées qui commencent à apparaître dans des analyses et même dans des rapports de l’ONU, n’est rien moins que de faire croire que la question du Sahara Occidental est “un problème de souveraineté”. Cela est une idée fausse, voire pas du tout innocente. La souveraineté sur le Sahara Occidental est de “la compétence exclusive de son peuple”. Le droit international a, en effet, reconnu aux peuples le droit exclusif d’exercer la souveraineté sur leurs territoires. Depuis 1963, le Sahara Occidental a été reconnu “territoire non autonome” sur lequel le “peuple du Sahara Occidental” détient seul ce droit. D’autre part, toutes les revendications du Maroc au Sahara Occidental ont été contestées par la Cour internationale de justice de La Haye en 1975, par l’Assemblée générale de l’ONU et les autres institutions internationales : toutes reconnaissant aux Sahraouis “le droit inaliénable à l’autodétermination”. De plus, cette question est toujours traitée au sein de la quatrième commission de décolonisation. Comme l’a d’ailleurs souligné le secrétaire général adjoint aux affaires juridiques et conseiller juridique des Nations unies, Hans Corell, le Maroc “n’a même pas le statut de puissance administrante au Sahara Occidental”. Ce qui revient à dire que la présence marocaine, dans ce territoire non autonome, est un simple fait d’une occupation illégale suite à une agression militaire. Normalement, la question sahraouie devait être traitée normalement sous le 7e chapitre de la Charte de l’ONU, si ce n’était l’opposition de la France.
La deuxième idée, très dangereuse, n’est rien d’autre que de proposer “d’associer les composantes du peuple sahraoui aux négociations” ! C’est une idée très attractive, comme la citation du Printemps arabe dans des documents onusiens, au Conseil de sécurité ou le Conseil des droits de l’Homme. Elle a été avancée par Van Walsum, récupérée ensuite par Ban Ki-mon dans ses derniers rapports, mais aussi par le Maroc, qui a d’autres visées que le souci de démocratie participative des peuples.
Cette idée vise d’abord à mettre en question la représentativité d’une partie au conflit, à savoir le Front Polisario. Mais, essayons de comprendre ce que cette idée veut dire. L’ONU ne semple pas être à l’aise dans sa médiation, parce que le Polisario refuse de laisser tomber le droit du peuple sahraoui à l’autodétermination. On accuse même ce mouvement de libération d’être rigide dans cette position ! Mais la vraie question est de savoir si on peut être moins rigide dans une affaire où il est question d’exercer son droit à la liberté. Le Front Polisario, créé par le peuple sahraoui depuis 1973, comme son représentant légitime, a été mandaté et l’est toujours (par ce peuple) pour lutter par tous les moyens légitimes et possibles pour la libération du territoire sahraoui.
Il n’est pas mandaté pour veiller à ce que l’agresseur sorte de cette “aventure” expansionniste avec une partie du gâteau, pour simplifier les analyses dites “réalistes” des “experts” qui n’arrêtent pas de conseiller au Sahraouis d’être raisonnables, pragmatiques, et de jouer le jeu selon les règles de la realpolitik. La tâche du Polisario n’est donc pas seulement d’exercer un mandat politique au nom de son peuple, mais de s’attacher à la défense du droit international et de la légalité, ainsi que du droit international humanitaire, puisque le droit à l’autodétermination est avant tout un droit humain et un principe pilier de la Charte de l’ONU.
M. A.
* Président de l’Union des journalistes et écrivains sahraouis