Trente-cinq ans que ça dure: victime d’une décolonisation hâtive après la mort de Franco, l’ex-Sahara espagnol vit toujours sous occupation marocaine, avec pour seul espoir une autonomie encore floue. Quant aux tenants de la République indépendante proclamée par le Front Polisario, ils vivent dans des camps de la wilaya (région administrative) de Tindouf, en Algérie. Pas étonnant que les cinéastes ne se soient pas bousculés pour évoquer ce conflit qui concerne moins d’un million de personnes sur du sable, en risquant de fâcher trois pays…
Une génération tiraillée
L’Espagnol Pedro Pérez Rosado constitue l’exception. Après plusieurs voyages et une première fiction historique, Cuentos de una guerra sahraui(2004), il y est retourné pour réaliser Wilaya, présenté dans la section Panorama du dernier Festival de Berlin. Une heureuse surprise de la part d’un cinéaste quinquagénaire inconnu au bataillon, passé par l’assistanat et la publicité. Et un film qui ne déparera pas le catalogue Trigon-Film.
Son nouvel opus se penche sur la jeune génération de Sahraouis, nés dans ces camps de réfugiés «provisoires». On y suit Fatima, rentrée au pays à la mort de sa mère, après avoir grandi à Valence dans une famille d’accueil. Son dilemme: rester où se trouvent ses racines, sa sœur handicapée et son frère, ou bien retourner en Espagne, dont elle a adopté le mode de vie? En attendant, elle achète une voiture pour gagner sa vie avec des livraisons…
Le scénario est un peu minimal, mais sa protagoniste (jouée par une belle Sahraouie de Valence) incarne bien le problème. L’autre avantage, c’est un professionnalisme qui ne se transforme jamais en facilité. Tourné en beau format Scope, sans excès de montage, de musique (Aziza Brahim) et de romanesque, Wilaya ne vise qu’à nous faire partager un moment et comprendre la vie dans ce coin oublié. Traditions et modernité, immobilité ou changement, surveillance ou indépendance, résignation ou fuite – tout ceci est bien évoqué dans ce film aux paysages sublimement… désespérants.
VV Wilaya , de Pedro Pérez Rosado (Espagne/Sahara occidental 2012), avec Nadhira Mohamed, Memona Mohamed, Aziza Brahim, Ainina Sidameg, Mohamed Molud. 1h39.