Mohamed Abdelaziz : "Le Maroc a signé des accords qu’il a reniés"

Entretien réalisé par Fatma Haouari
Le président de la RASD et non moins SG du Polisario, Mohamed Abdelaziz, est revenu dans cet entretien qu’il nous a accordé, sur la décision du Maroc quant au retrait de confiance infligé à Christopher Ross qu’il juge arbitraire et infondé. Selon lui, cette décision cache mal le désarroi de Rabat et qui est, en réalité, un retrait de confiance non seulement à Ross mais aussi à l’ONU, incarnée par son secrétaire général, et à son système dans son ensemble.
Il estime qu’en agissant de la sorte, le Maroc, un pays qui renie ses engagements et s’oppose à l’application des résolutions internationales, continue de défier la communauté internationale et de maintenir, contre vents et marées, le conflit du Sahara occidental dans l’impasse.
Le Soir d’Algérie : Alors que Rabat a récusé Christopher Ross suite à son rapport accablant sur la situation des droits de l’Homme dans les territoires occupés, l’ONU et l’Algérie ont renouvelé leur soutien à l’envoyé personnel de Ban Kimoon, et les Etats-Unis ont fait de même, peut-on dire que la question sahraouie prend une nouvelle tournure ? 
Le président Mohamed Abdelaziz : Je tiens tout d’abord à vous remercier vivement et, à travers vous, toute l’équipe du quotidien le Soir d’Algérie pour avoir accompagné admirablement la lutte du peuple sahraoui et pour la fidélité et la constance de cette aide. Pour revenir à la question, la décision unilatérale du Maroc de retirer sa confiance à l’envoyé personnel du secrétaire général des Nations unies pour le Sahara occidental, qui intervient quelques semaines après le rapport accablant contre Rabat présenté par Ban Ki-moon aux membres du Conseil de sécurité, cache mal le désarroi de Rabat. Cette décision infondée et injustifiée n’est, en réalité, que l’arbre qui cache la forêt puisqu’il s’agit d’un retrait de confiance non seulement à Ross mais aussi à l’ONU, incarnée par son secrétaire général et à son système dans son ensemble. N’est-ce pas le Maroc qui, en 2004, par la voix de son ministre des Affaires étrangères déclara que la démission de l’ancien envoyé spécial pour le Sahara occidental, James Baker, est le résultat de la «ténacité» de la diplomatie marocaine ? N’est-il pas aussi à l’origine de la démission de l’ancien responsable de la Minurso, chargé du référendum, Frank Ruddy, et avant lui l’ancien représentant spécial du secrétaire général et chef de la Minurso de 1990 à 1992. Le Maroc s’arroge, ainsi, le droit de dicter aux Nations unies ce qu’il y a lieu de faire par rapport à ce conflit et la conduite que doit suivre leur envoyé personnel pour le Sahara occidental. En agissant de la sorte, le Maroc, un pays qui renie ses engagements et s’oppose à l’application des résolutions internationales, continue de défier la communauté internationale et de maintenir, contre vents et marées, le conflit du Sahara occidental dans l’impasse.
La France, par la voix de son ministre des Affaires étrangères, appelle à un règlement rapide du différend qui oppose Rabat à l’émissaire de l’ONU, Christopher Ross, en rappelant le soutien de Paris au plan d’autonomie marocain sur le Sahara occidental, comment interprétez- vous cette déclaration ?
 
Nous ne savons pas pourquoi la France s’entête à défendre un projet qui, en plus d’être en contradiction totale avec le droit international et la nature du conflit lui-même, fait abstraction des aspirations nationales du peuple sahraoui et sur près de 37 années de sacrifices, de souffrances et de luttes ininterrompues. Le Maroc s’est démené comme il peut ces dernières années pour vendre un projet d’autonomie qui n’a pas trouvé preneur et n’a ménagé aucun effort pour faire reconnaître sa souveraineté sur le Sahara occidental qu’aucun pays au monde ne lui reconnaît. Le statut définitif du territoire du Sahara occidental est et restera de la seule prérogative de son peuple. La question que l’on devrait poser est pourquoi la France, pays de la Déclaration universelle des droits de l’homme, clame-t-elle son refus de l’oppression et de l’agression un peu partout ailleurs et pas au Sahara occidental ? Notre vœu est qu’avec l’avènement de la gauche au pouvoir, la France d’aujourd’hui fera entendre sa voix avec force pour faire prévaloir la primauté du droit, la démocratie, le respect des droits de l’homme, le droit à l’existence et la justice au Sahara occidental également. Cela confortera, inéluctablement, la paix dans la région méditerranéenne et contribuera à l’édification d’un Maghreb arabe démocratique auquel aspirent l’ensemble de ses peuples, sans exclusion aucune. 
La Mauritanie, qui est un observateur aux côtés de l’Algérie, ne s’est pas encore exprimée sur la question. Avez-vous des contacts avec le président mauritanien ?
Nous avons des contacts réguliers et périodiques avec le président mauritanien. La Mauritanie est un pays frère et voisin avec lequel nous partageons des liens très forts, fondés sur la coopération, la complémentarité, le bon voisinage mais aussi un présent et un avenir communs.
Comment est la situation dans les territoires occupés ?
 
Au Sahara occidental, la situation dramatique des droits humains, déjà profondément mis à mal par les dures épreuves de près de 37 années d’occupation marocaine, s’aggrave de jour en jour du fait de la persistance des violations massives et systématiques, des violations des droits de l’homme qui ont affecté, au plus haut point, toutes les franges de la population sahraouie. Cette répression est d’ailleurs fortement dénoncée et documentée par plusieurs organisations et institutions internationales dont le Haut- Commissariat des Nations unies aux droits de l’homme, Human Right Watch, Amnesty International. Le cycle de l’injustice se poursuit, malheureusement, dans les prisons où croupissent des dizaines de défenseurs sahraouis des droits humains sans jugement aucun. Des dizaines d’entre eux sont depuis plusieurs jours en grève de la faim illimitée dans les prisons marocaines. Quelques-uns sont emprisonnés pour leurs opinions en faveur de l’autodétermination de leur pays, le Sahara occidental. D’autres emprisonnés à Salé au motif d’avoir visité leurs familles dans les campements de réfugiés, de l’autre côté du mur. Comme c’est le cas pour toutes les puissances occupantes, le Maroc ne se contente pas seulement d’occuper illégalement le Sahara occidental en réprimant ses habitants pour les empêcher d’exprimer leur aspiration à leur liberté et à leur indépendance, mais il accapare, tout aussi illégalement, ses richesses naturelles soumises à un bradage effréné. La situation prévalant
dans les territoires occupés du Sahara occidental exige un engagement réel de la communauté internationale afin qu’on élargisse les prérogatives de la Minurso à la protection des populations civiles sahraouies dans les territoires sous occupation marocaine.
Comment le peuple sahraoui a-t-il réagi au rapport de Christopher Ross qui s’est soldé par l’adoption par le Conseil de sécurité le 24 avril dernier d’une résolution prolongeant d’un an le mandat de la Minurso et qui incite le Maroc à améliorer la situation des droits de l’homme dans ce territoire qu’il occupe depuis 1975 ? 

La particularité du dernier rapport du secrétaire général de l’ONU, qui s’est soldé, le 24 avril dernier, par l’adoption par le Conseil de sécurité est d’avoir clairement indiqué que la Minurso éprouvait des difficultés à effectuer ses missions précisant qu’elle n’est en mesure «ni d’exercer pleinement ses fonctions de surveillance, d’observation et de liaison liées au maintien de la paix, ni d’endiguer, de sa propre autorité, l’érosion de ses capacités de mettre en œuvre son mandat». Il avait également relevé que le principe de neutralité de la Minurso «est, depuis de nombreuses années, compromis par le Maroc», ce qui avait alors amené le Conseil à insister, dans sa résolution, sur la nécessité d’une totale liberté de mouvement de cette mission. Sous les auspices des Nations unies, le Maroc a signé des accords qu’il a reniés par la suite. Pendant de longues années, il a fait croire à la communauté internationale qu’il était prêt à aller à un référendum dont, manifestement, il n’en voulait pas. Le Maroc nargue et défie tout simplement cette même communauté internationale, raison pour laquelle nous avons, une fois de plus, lancé un appel pressant au Conseil de sécurité pour qu’il prenne les mesures et décisions nécessaires à même de sauvegarder et protéger l’autorité des Nations unies et la crédibilité de son œuvre de paix au Sahara occidental des dérives et conséquences de la stratégie de fuite en avant poursuivie par le Maroc.
Le Maroc a-t-il peur que finalement l’ONU ne conclut à l’appui de l’autodétermination du peuple sahraoui si l’on tient compte du vent de liberté et de démocratie qui souffle dans les pays arabes et qu’il n’est pas admis que les peuples souffrent de la tyrannie ? 
Acculé par le rapport accablant des Nations unies l’accusant d’entraver le travail de la Mission des Nations unies pour l’organisation du référendum au Sahara occidental, le Maroc recourt, comme à son habitude, aux manœuvres dilatoires visant à entraver le processus du règlement du conflit sahraoui en poursuivant impunément ses violations des droits de l’homme dans les territoires occupés. L’ONU, qui a, depuis longtemps, clairement établi que le Sahara occidental était un territoire non autonome relevant de la résolution 1514, a une grande responsabilité pour mener à bien sa mission au Sahara occidental, et ce, en organisant un référendum devant permettre au peuple sahraoui de choisir en toute liberté son devenir. 
F. H.

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