La vengeance posthume de Mouammar Kadhafi : "Bye-Bye, Sarkozy !"

Après une enquête de près de 10 mois, le site Mediapart a publié, le 28 avril dernier, une lettre signée par Moussa Koussa, chef des services de renseignement extérieur libyen de 1994 à 2011, affirmant que le Bureau de liaison du Comité populaire général libyen «appuyait» la campagne présidentielle de 2007 de Nicolas Sarkozy à hauteur de cinquante millions d’euros. Le document, trouvé dans les archives des services secrets, devrait permettre à des juges français -ou à une commission parlementairede savoir si la somme, non déclarée à la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques (Ccfp), a été versée. Après l’attaque de la Libye par les forces de l’Otan, Seïf el-Islam Kadhafi a dit détenir «tous les détails, les comptes bancaires, les documents et les opérations de transfert» de l’opération et demandé au «clown» Sarkozy de rendre les cinquante millions d’euros au Trésor libyen. Aujourd’hui, il est incarcéré à Zenten, dont la milice arabo-berbère doit beaucoup aux parachutages d’armes par la France. Visé par un mandat d’arrêt de la CPI pour «crimes contre l’Humanité», Seïf el-Islam n’a pour l’instant été inculpé que de «non licence pour ses chameaux» et «élevage illégal de poissons» ! Le CNT -c’est-à-dire les amis de Sarkozy et de B-HL- réclament en vain son transfert à Tripoli pour y être jugé… ou assassiné au cours d’une fausse tentative d’évasion. Côté libyen, outre Seïf el-iIlam, deux dirigeants peuvent être entendus par d’éventuels enquêteurs : -Abdallah es-Senoussi, beau-frère du colonel Kadhafi, recherché par la CPI, est théoriquement en résidence surveillée en Mauritanie. Comme Seïf el-Islam, il affirme avoir les preuves du financement de la campagne de 2007. Es-Senoussi est également recherché par la France où il a été condamné par contumace à la réclusion criminelle à perpétuité, pour son rôle dans l’attentat contre un DC 10 d’UTA en septembre 1989 au-dessus du Niger (170 morts dont 54 Français). Nicolas Sarkozy, dit-il, lui aurait promis de «tourner la page». Depuis, le vent a tourné… – Bachir Saleh, ancien directeur de cabinet de Kadhafi, était le grand argentier du régime. Francophone, il présidait le Libyan African Portfolio (LAP), un fonds souverain libyen pesant 8 milliards de dollars par lequel transitaient certaines opérations occultes du régime. Bien que recherché par Interpol pour escroquerie -selon Le Canard Enchaîné du 4 avril dernier- il a été exfiltré en France où il a aussitôt obtenu un titre de séjour… «au nom du regroupement familial !»
UNE TRÈS GRAVE AFFAIRE D’ÉTAT 
Bachir Saleh et Moussa Koussa -ce dernier vit luxueusement au Qatar- ont évidement démenti les «allégations» de Mediapart, tout comme Brice Hortefeux -ancien ministre de l’Intérieur et ami de trente ans de Sarkozy- en présence duquel aurait été validé l’accord «sur le montant et les modes de versement» des cinquante millions d’euros. Il a déclaré n’avoir «jamais rencontré Moussa Koussa et Bachir Saleh». Interviewé sur Canal+, à quelques jours du deuxième tour de l’élection présidentielle française, Nicolas Sarkozy a qualifié l’article de Mediapart d’«infamie», de «montage». Il s’est étonné que des journalistes donnent «du crédit aux fils Kadhafi et aux services secrets de Kadhafi», alors qu’il entretenait les meilleures relations avec ces derniers lorsqu’il était ministre de l’Intérieur, et ensuite par l’intermédiaire de Claude Guéant. Pour Ziad Takieddine, intermédiaire franco-libanais qui a introduit la sarkozie en Libye, l’enquête sur cette affaire «sera difficile parce que beaucoup d’intervenants sont morts pendant la guerre en Libye». Il pense «qu’ils ont essayé par tous les moyens de tuer Seïf el-Islam» pour le punir de ses révélations. Ziad Takieddine est également persuadé que Claude Guéant l’a fait arrêter à son retour de Tripoli -le 5 mars 2011, sur l’aéroport du Bourget- parce qu’il croyait que les documents prouvant le financement de la campagne de Nicolas Sarkozy étaient dans ses bagages.
UN PRÉSIDENT ILLÉGITIME, SI… 
La plainte de Nicolas Sarkozy contre Mediapart pour publication de «faux grossier», si elle n’est pas retirée après la présidentielle, promet un beau déballage sur les dessous de la guerre de Libye. Si l’affaire est «réelle», a déclaré Ségolène Royal sur BFM-TV, cela voudra dire que Nicolas Sarkozy «a exercé son mandat de façon illégitime». Dans le camp de François Hollande, la prudence est néanmoins de mise. Bernard Cazeneuve, un de ses porte-parole, a simplement déclaré : «Si les faits révélés par Mediapart étaient définitivement confirmés par d’autres documents ou les instructions judiciaires en cours, il serait, alors, établi que le président sortant à menti aux Français, pour dissimuler la réalité d’une très grave affaire d’État». Reste à savoir si le candidat socialiste, élu président le 8 mai prochain, laissera la justice faire son travail jusqu’au bout. Ceux qui ont enquêté sur le financement des campagnes présidentielles de François Mitterrand et de Jacques Chirac n’ont pas été bien loin.
Par Gilles Munier 
Le Courrier d’Algérie, 2/05/2012

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