UN BON COMBAT

par K. Selim
On parle un peu plus du Maghreb chez les officiels des différents pays et on le doit sans le moindre doute aux effets, encore en cours, du changement politique intervenu en Tunisie. Et peut-être aussi, de manière plus négative, à l’évolution brutale de la situation en Libye. Toujours est-il que l’on parle aujourd’hui du Maghreb chez les officiels et on insiste pour dire «sérieusement». Il faut espérer que ce beau monde est pour une fois sérieux. 
Il ne sert à rien de jouer l’un contre l’autre d’un nationalisme étriqué et de ressasser des rancœurs que les jeunes générations ne comprennent pas dans un monde où, quand on n’a pas la dimension des Etats-Unis ou de la Chine, on doit nécessairement se constituer en groupe régional intégré. Cela, des vieux nationalistes l’ont dit et redit. A l’instar du grand militant Abdelhamid Mehri – à qui l’on souhaite un rapide rétablissement – qui a défendu avec passion et raison l’idée que les deux dimensions inachevées de la révolution algérienne sont la démocratie et le Maghreb. Le mouvement des sociétés dans le monde arabe vers la liberté et la démocratie lui donne raison. Tout comme d’ailleurs la réalité d’un monde où les puissances occidentales amies des dictatures tentent d’enfourcher les demandes des sociétés pour œuvrer à perpétuer une relation de domination. 
Prenons donc acte que d’Alger à Rabat, en passant par Tunis, le credo maghrébin semble avoir fait un retour en grâce au plan des discours. C’est un léger mieux mais cela reste au niveau de la pétition de principe… Si l’on semble accorder une attention à ce discours, c’est surtout parce que le contexte incite à le prendre en compte. Car au plan purement formel, les professions de foi maghrébines n’ont jamais manqué, même quand les officiels ne se rencontrent plus, que les journaux s’étripent sans ménagement et que les structures de l’Union du Maghreb sont réduites à des coquilles bureaucratiques vides. 
Nous avons eu droit – avec beaucoup de mauvaise foi – à la mise en exergue de l’unité culturelle et historique entre les pays, de la possibilité de gagner au moins deux points de PIB par an et on a eu même des projets concrets, comme la fameuse et toujours invisible Banque maghrébine. Mais finalement, les choses n’ont guère avancé. Certains mettent en avant le blocage algéro-marocain sur la question du Sahara Occidental. Il n’est pas question de le nier. Mais il faut aussi relativiser. L’Algérie et la Tunisie, qui n’ont pas de problème particulier, ne sont pas plus avancées dans les relations économiques. Il y a donc un problème maghrébin, dont la question du Sahara Occidental fait partie mais qui ne lui est pas réductible. 
Dans les colonnes du Quotidien d’Oran, Mourad Medelci a estimé que les changements survenus en Tunisie et en Libye peuvent «permettre de travailler d’une manière plus cohérente et plus sereine pour l’édification d’un Maghreb uni» et qu’il faut que l’on se mette «autour d’une table pour parler sérieusement de l’UMA…». Souhaitons donc que ce sérieux qui a manqué par le passé s’impose dans la réalité. 
Il est en tout cas essentiel que les partis et les sociétés civiles dans les différents pays du Maghreb inscrivent l’impératif d’une accélération de la construction maghrébine parmi les priorités. Il y a un énorme retard à rattraper. Le Maghreb et la démocratie, c’est indéniablement le plus juste des combats.
Le Quotidien d’Oran, 15/1/2012

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