Algérie/Quand l’espoir mute…

par Madjid Khelassi

Les files d’attente (ou queues, en termes argotés) entrent définitivement dans les us et les coutumes des Algériens. Elles se font dorénavant paysage humain, devant les bureaux de poste. Ou enfilade friquée, piaffant d’impatience devant les boutiques des Malls et autres centres commerciaux, ces nouveaux chics de masse argentée.

En ce mois de ramadan, les files d’attente se forment dès 13 heures devant les restos Rahma, a titré un média.

Tableau parlant, qui résume la mise à nu sociale d’une importante frange de la société algérienne, ces restos du cœur made in Algeria , illustrent on ne peut mieux, l’effondrement de toute une classe sociale, la première de cordée , celle du SMIC et ses environs.

Ça me fait rappeler l’année du «bon», dit un nonagénaire, en référence aux bons, du rationnement alimentaire, distribués pendant la 2e guerre mondiale. C’est flippant et je n’ai jamais vu autant de monde, conclut-il !

Il est 16 heures devant un resto « Rahma » à Belcourt. Il y’a déjà foule aux alentours. Ou plutôt deux foules : celle qui emporte sa pitance pour consommer at-home et celle qui attend el Adhan pour grailler sur place.

Ballet bruyant de casseroles et de gamelles dans la silencieuse symphonie d’une condition qui baisse la tête à la vue des regards.

La file d’attente, des démunis voire des nouveaux pauvres devant ces restos des chœurs bouleversés, est l’incarnation visuelle des inégalités sociales dans toute sa dimension.

Être à la queue du classement social…est une réalité qui fait muter l’espoir… comme un virus vers son variant.

Elle est belle l’Algérie des torchères qui brûlent pour certains et pas pour d’autres. Et on serait bien aise, si la métaphysique de l’Algérie nouvelle daigne nous expliquer tout ça.

Question : Sous les masques de la protection contre le Covid et ceux de la gêne devant cette inattendue culbute, quels sont les vrais visages de cette nouvelle précarité ?

Ce sont les nouveaux visages d’une pauvreté qui ne dit pas son nom, mais qui se vit douloureusement, dans une descente… aux envers, de tout ce qu’ils avaient souhaité, programmé ou espéré.

La Nation, 28 avr 2021

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