Tunisie: le principal parti accuse le président d’être «autoritaire»

La principale formation parlementaire en Tunisie, Ennahdha, a accusé mardi 20 avril le chef de l’État Kais Saied d’entraver le processus démocratique et d’avoir des tendances «autoritaires», signe de la profondeur du conflit qui s’éternise entre les deux camps. Kais Saied, un farouche indépendant dont les prérogatives sont en théorie limitées à la diplomatie et la défense, a rejeté à plusieurs reprises des décisions pourtant votées par le Parlement.

Les nouvelles accusations du parti d’inspiration islamiste Ennahdha interviennent après un discours dimanche de Kais Saied dans lequel il a estimé être commandant suprême des forces militaires, mais aussi civiles, police etc. L’article 77 de la nouvelle Constitution de 2014, stipule que le président de la République est «le haut commandant des forces armées», sans autre précision. «Le président de la République est le haut commandant des forces armées, y compris les forces armées civiles», a lancé Kais Saied, arguments juridiques à l’appui.

Cette déclaration «est une violation de la Constitution et des lois du pays», a réagi Ennahdha dans un communiqué. Le parti a reproché au président d’empiéter sur les «prérogatives du chef du gouvernement» Hichem Mechichi, en «violation du système politique». Ennahdha, qui avait soutenu Kais Saied lors de la présidentielle en 2019, est en conflit avec le président depuis de longs mois, sans qu’une sortie de crise ne soit en vue.

Le chef de l’Etat lui reproche ses compromis et alliances politiciennes, alors que le parti arrivé en tête des législatives de 2019, est loin d’être majoritaire dans un Parlement fragmenté. Kais Saied s’est surtout opposé à un large remaniement décidé en janvier mais jamais appliqué, laissant plusieurs ministères avec des titulaires intérimaires. Plusieurs acteurs ont appelé ces derniers mois à un dialogue national, mais en vain.

Refusant «la tendance autoritaire du chef de l’Etat», Ennahdha a appelé mardi «les forces démocratiques à la rejeter (…) et à mettre en place la Cour constitutionnelle», clé de voûte des institutions démocratiques notamment chargée de trancher en cas de conflit de pouvoir. Le parti, qui accuse également Kais Saied d’entraver la mise en place de la Cour constitutionnelle, a appelé le président à «arrêter toute tentative de bloquer les rouages de l’Etat».

Le Figaro, 20 avr 2021

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