Algérie / Ramadhan, ses petits plats et ses gros bobards

par Slimane Laouari

C’était un auditeur particulièrement disert qui parlait à la radio au premier jour de Ramadhan. Il avait le verbe facile en dépit des vieilles rengaines qui revenaient dans sa bouche mais il doit savoir que ses compatriotes aiment entendre ça. C’est ainsi, il y a ceux qui aiment écouter et ceux qui adorent parler, comme notre héros du jour. Et puis d’abord cette question de l’animatrice, qui doit aussi adorer s’écouter à l’antenne et se trouver géniale parce qu’elle pose les questions qui suscitent les réponses qui vont plaire aux auditeurs. Il est génial, ce premier jour de Ramadhan et ça va être ainsi jusqu’à la fin.

Comme on ne change pas une équipe qui gagne, on ne va pas renoncer aux paroles qui plaisent, n’est-ce pas ? Voyons quand même ce que dit notre auditeur, avant que ne s’épuise le nombre de signes accordé à cet espace : « Une petite chorba, de petits boureks, un petit plat de résistance, quelques petits salés, de petites salades, un petit dessert et… éventuellement un petit gâteau pour accompagner le café de la veillée »… Et puis c’est tout ! Car le bonhomme répondait à l’animatrice qui demandait à tout le monde, s’ils… changeaient leurs habitudes alimentaires pendant le Ramadhan ! Mais, non, les Algériens ne changent rien à leurs habitudes, ils ne le disent pas tous avec autant d’éloquence que notre star du premier jour mais ils le disent quand même.

Une entrée, un plat, des salades à n’en plus finir, de petits salés à n’en plus pouvoir et des monts de sucreries et puis s’en vont. Le tout est en modèles miniaturisés. Tous les mets doivent être petits, si on veut passer les gros mensonges. Ce n’est pas parce qu’on les croit que les mensonges arrêtent d’être des mensonges. Ils deviennent encore plus gros quand on les croit parce qu’on veut bien les croire.

C’est un peu compliqué ? Il y a plus grave. Le Ramadhan est un mois de spiritualité, de pardon et de méditation transcendantale. Sérieux ? Le Ramadhan n’est pas le mois de la consommation. Très drôle. Et puis quoi encore, qu’est-ce que vous allez nous servir à l’antenne ? Mais ce qu’il y a dans la vraie vie, pardi ! Allez, ne vous énervez pas, le Ramadhan est un mois de sérénité et de self-control. Absolument, mon frère. Et puis, il faut aider son prochain, mon frère. C’est clair, tu te rends compte, il y a des gens qui n’ont pas de quoi manger le soir ? Dans la journée aussi, ils n’ont pas de quoi manger. Ce n’est pas la même chose, mon frère, le Ramadhan est sacré. Il ne faut pas changer ses habitudes. Il ne faut surtout pas mentir.

Le Soir d’Algérie, 14 avr 2021

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