Algérie.- A propos de l’immunité collective

Mohamed Habili

Il a été dit ici l’autre jour que pour faire ressortir avec un maximum de relief les différences en matière d’impact de la pandémie sur les deux continents africain et européen, il convient de comparer non pas la situation sur ce plan d’un seul pays africain, le nôtre par exemple, et celle d’un pays européen voisin, méditerranéen forcément, mais celle de ce pays européen avec celle de l’Afrique dans son ensemble. De la sorte seulement saute aux yeux le contraste des deux situations. Un seul pays européen, à condition qu’il soit choisi parmi les plus atteints, affiche des chiffres pour ce qui est des cas confirmés et des décès assez proches de ceux de tout le continent africain. Ce qui ne serait pas pour étonner si sur les deux continents circulaient depuis le début de la pandémie des souches différentes, les africaines se montrant bien moins virulentes que les européennes. On sait que ce n’est pas le cas, que c’est la même souche de départ et ses variants qui circulent dans les deux milieux.

Les mêmes causes ne produisent donc pas mécaniquement les mêmes effets. Le pays africain le plus peuplé, le Nigeria, compte trois fois plus d’habitants que l’Allemagne, le pays européen le plus peuplé, si l’on exclut la Russie bien sûr. A ce jour, le Nigeria a rapporté un peu plus de 2 000 décès, moins donc que l’Algérie d’un bon millier. L’Allemagne, près de 76 000.

Pas besoin d’aller plus loin pour se convaincre d’une chose aussi importante, encore que toujours mystérieuse, qui est que le virus responsable du Covid-19 s’est comporté différemment suivant le milieu humain qu’il aborde. Toute analyse du cas algérien devrait partir de ce constat englobant toute l’Afrique. C’est ce même continent pour lequel l’OMS craignait le pire qui, il est vrai avec l’Asie, a été jusqu’à présent le moins lourdement frappé. Ce fait à l’échelle du continent devrait servir de toile de fond à toute approche du cas algérien.

Des épidémiologues algériens ont émis l’hypothèse, sur la base d’une étude faite par eux, que l’immunité collective, du fait de la seule circulation du virus, serait déjà de 50 %, et que c’est précisément cela qui expliquerait le reflux marqué de l’épidémie. En scientifiques prudents qu’ils sont, ils se sont gardés de donner ce résultat pour quelque chose d’indiscutable. Ils préconisent au contraire le recours à d’autres études portant sur un échantillon différent de celui dont eux-mêmes se sont servis, à savoir 1 000 donneurs de sang habitant pour nombre d’entre eux l’est de la capitale.

On ne connait pas d’exemple de pays parmi les plus impactés, ni même dans le petit nombre de ceux où la vaccination est la plus avancée, la Grande-Bretagne et les Etats-Unis par exemple, où l’immunité collective aurait déjà atteint ce niveau de 50 % suggérée par l’étude en question. A priori, plus un pays a été infecté, plus proche il serait aujourd’hui de ce degré appréciable d’immunité collective. Il se trouve que chez nous, comme d’ailleurs dans toute l’Afrique, à l’exception peut-être de l’Afrique du Sud, dont les chiffres ne sont pas sans évoquer ceux ayant cours en Occident de façon générale, l’épidémie a fait preuve de modération depuis ses débuts, encore qu’il soit vrai que son ralentissement est plus marqué aujourd’hui.

En dehors d’une enquête mettant en œuvre les techniques du sondage, on ne peut s’orienter en cette matière que sur les chiffres accumulés de l’épidémie. Le nombre quotidien des nouvelles contaminations rapportées n’est évidemment pas celui de tous les cas réels. Mais par combien faut-il multiplier le premier pour approcher le deuxième ? Par trois, par cinq, ou plutôt par dix ? Le fait est que même par dix, nous serions encore loin des 50 % d’immunité collective.

Le Jour d’Algérie, 11 avr 2021

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