Maroc : Il y a six ans, le cauchemar du hacker Chris Coleman

C’était au début de mois d’octobre de l’année 2014. Un mystérieux hacker a commencé à distiller des documents classés confidentiels sur la toile. L’Etat marocain vit épreuve sur épreuves ses publications et ses provocations verbales. Surtout Mbarka Bouaida, à l’époque ministre déléguée auprès du Ministre des Affaires Etrangères que le Makhzen avait avancée en raison de la fortune de sa famille. Mbarka a été littéralement terrorisée par le hacker qui semble l’en vouloir à cause de ses origines sahraouies. Les photos de son mariage et une lettre adressée à son mari ont été étayées sur la toile.

Interrogé sur ses fins, il déclare vouloir déstabiliser la diplomatie marocaine et rendre service à la cause sahraouie. Le chef de la diplomatie marocaine à l’époque, Salaheddine Mezouar, a pointé du doigt la France, avec laquelle les relations traversaient une période glaciale en raison de l’affaire El Hammouchi. Lors d’une visite en France,ce dernier a été convoqué par la justice française suite à una plainte déposée par un citoyen franco-marocain et un autre franco-sahraouie. En effet, derrière ce hacker, l’ombre des services secrets plannent en vue de faire pression sur le Maroc pour l’amener à reprendre la coopération judiciaire qu’il avait suspendue pour protester contre le traitement réservé au chef de ses services de sécurité.

Le contenu desdits documents divulgués sont exposés sous les rubriques suivantes :

-les menaces du Makhzen contre l’Algérie ;

-le dossier du Sahara occidental ;

-l’offensive marocaine en Afrique ;

Ces révélations confirment que le Maroc regarde toujours l’Algérie comme son ennemi stratégique exclusif. Dans cette veine, il met en branle une stratégie élaborée, cohérente et touffue visant à consumer l’Algérie. Pour cela, le Makhzen n’hesite à endosser le costume de sous-traitant fidèle au bénéfice de la France dont le soutien est vital pour Rabat.

Les révélations du hacker dénommé Chris Coleman se sont limités au lobbying dans une question considérée névralgique pour le Makhzen, le Sahara Occidental, sans vouloir atteindre aux questions stratégiques, tels que le jeu du Makhzen avec la menace terroriste, l’émigration, le trafic de drogue et les pratiques marocaines avec les personnalités françaises à Marrakech, notamment la prosotitution et la pédophilie. L’opération a été clôturée par le succès puisque, trois mois après, au mois de février 2015 plus précisément, Mohammed VI s’est rendu à Paris rencontrer François Hollande et mettre fin à la brouille entre les deux pays.

Celui qui a été qualifié de « Snowden marocain » a semé la zizanie dans les milieux du pouvoir marocain qui a gardé le silence total sur cette sorte de boîte de pandore qu’il aurait fallu pour le Makhzen qu’elle ne s’ouvre jamais. Il n’a pas hésité à prouver l’authenticité de ses documents lorsque des responsables marocains l’ont accusé de faux.

Qu’il a inquiété les hautes sphères de l’Etat marocain, il n’y a aucun de doutes là-dessus. Pour certains, il a mimé ceux qu’il prétendait vouloir déstabiliser. Une chose est sûre, avec sa déclaration d’amour envers la cause des sahraouis, il a signé son acte de divorce avec les marocains, toutes couches confondues. A l’instar de leur Makhzen, la question sahraouie est une ligne rouge.

Pourquoi le dossier du Sahara Occidental ?

Parce que c’est le talon d’Achille du régime. Un épineux dossier empoisonné légué par le roi Hassan II à son fils Mohamed VI qui a été envahi par l’armée chérfienne en vue de sauver la monarchie alaouite menacée par plusieurs tentatives de coup d’Etat. C’était le soupapa de sécurité qui a fini par échapper à son contrôle. Un dossier qui « schlingue » à tous les niveaux, tant les montants alloués à la corruption des élites marocaines et internationales, pour plaider la cause de la souveraineté chérifienne ont été (et sont toujours) faramineuses. Tant la crédibilité des uns est souillée par une partie de jambes en l’air ou une invitation au luxueux palais de La Mamounia. Le hacker a pris le soin d’étaler les factures payés par Mourad El Ghoul dont l’ordinateur hébergeait le programme Amadeus pour faire les réservations en live.

Par la force des choses, la question sahraouie est devenue le lieu d’une surdétermination ; elle semble condenser toutes les inimitiés que le Makhzen nourrit à l’endroit de l’Algérie, mais ce n’est plus à travers ce dossier qu’il faut envisager la question du leadership régional ; c’est à l’inverse, à travers le prisme de la question de l’hégémonie au plan régional qu’il faut administrer le dossier du Sahara occidental. C’est cette inversion du sens de la détermination provoquée par les retournements géostratégiques en cours, que le Makhzen semble avoir intégré dans sa stratégie visant à bousculer l’Algérie, comme en atteste le contenu des documents officiels marocains dévoilés par Chris Coleman.

Des sommes faramineuses ont été versés à des journalistes étrangers, notamment américains, pour que leurs articles et leurs reportages lient le Front Polisario au terrorisme jihadiste. Richard Miniter, prétendu expert en investigation journalistique, a reçu 20.000 dollars pour la rédaction d’un seul article.

Les journalistes français à la solde du Makhzen

Le hacker a dénudé les relations de quatre journalistes français avec les services secrets marocains dont le contact était Ahmed Charaï, patron d’un groupe de presse dont fait partie L’Observateur du Maroc qui relayait régulièrement des chroniques rédigées par Mireille Duteil ( du Point), José Garçon (ancienne journaliste à Libération) Dominique Lagarde (ancienne rédactrice en chef à l’Express) et Vincent Hervouet, éditorialiste sur TF1 et présentateur sur LCI.

Grâssement payés par l’Etat marocain, les articles des journalistes français visaient à édulcorer le régime de Mohammed VI et plaidaient ses thèse sur le Sahara Occidental. Le journal algérien a relevé entre 22 et 26 chroniques consacrées à la question du Sahara Occidental, toujours favorables à la position de Rabat. Dans ces révélations, les algériens ont trouvé enfin le secret de l’acharnement de la presse française contre l’Algérie et surtout à l’image positive extérieure travaillée à coups de centaines de millions de dollars.

Ces révélations ont contribué à ternir davantage l’image de la presse française et ont remis sur la table la question de la fiabilité des informations livrées par les médias de l’Hexagone sur l’Afrique.

La préparation du retour à l’Union Africaine

Parmi les documents révélés, les activités marocaines visant à préparer le retour du Maroc à l’organisation panafricaine qu’il avait quitté en 1984 suite à l’adhésion de le République Arabe Sahraouie Démocratique à l’Organisation de l’Unité Africaine.

Dans ce but, Rabat comptait sur le soutien de la France et ses pays satellites : Sénégal, Côte d’Ivoire, République Centrafricaine, Guinée Conakry…

Avec les africains, les diplomates marocains n’hésitaient pas à faire des dons monnétaires de la main à la main. Selon un document confidentiel, les ambassadeurs de plusieurs pays ont reçu 5000 dollars en guise d’encouragement dans l’entreprise marocaine visant à exclure la question du Sahara Occidental de l’agenda de l’Union Africaine. Le Ministre sénégalais des affaires étrangères à l’époque, Mankeur Ndiate, avait l’habitude de passer chaque année à l’ambassade du Maroc à Dakar pour recevoir la quantité de 140.784 dirhams (13.000 euros) sous couvert de cadeau pour permettre à des membres de sa famille de réaliser le pèlerinage à La Mecque.

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