Algérie : Faut-il suspendre le Hirak ?

Faut-il ou non suspendre le Hirak pour réduire le risque de contamination au coronavirus ? Loin des vœux des tenants du pouvoir, le débat est officiellement lancé parmi les acteurs du mouvement populaire. Sur les réseaux sociaux, l’idée est déjà largement discutée.

« Nous devons prendre au sérieux la menace », «c’est une situation d’urgence sanitaire », « suspendre les marches est aussi un geste révolutionnaire »… tels sont, entre autres les arguments avancés par les partisans d’une « halte sanitaire ». Il semblerait que la propagation rapide du virus et l’enregistrement de plus d’une vingtaine de cas confirmés de personnes atteintes de cette maladie (48 cas et 4 décès), a fini par donner à réfléchir à de nombreux hirakistes.

Et des voix commencent à s’élever pour appeler les citoyens à la raison. Conscients de la gravité de la situation et sans tomber dans le même alarmisme, des personnalités connues pour leur adhésion totale aux revendications du mouvement populaire s’expriment en faveur de cette suggestion.

Le vice-président de la ligue algérienne pour la défense des droits de l’homme (LADDH), Saïd Salhi, s’exprime dans ce sens. «L’appel à la suspension des manifestations peut être une initiative révolutionnaire. Au lieu de l’appel à remplir les rues, le Hirak peut demander de les vider et lancer une campagne nationale d’auto-organisation nationale et de sensibilisation pour faire face à la maladie », écrit-il sur sa page Facebook.

« Je ne suis pas de ceux qui vont faire de la surenchère sur une question de santé publique et de sécurité nationale, la santé et la vie de nos concitoyens n’a pas de prix. Oui, il faut prendre au sérieux la menace du Corona. Mais encore une fois, la première responsabilité incombe au pouvoir qui se doit de mobiliser le pays, tout le pays dans la sérénité et la solidarité, mettre en place un plan national de prévention, de lutte contre le Corona, un plan qui ne concerne pas seulement le Hirak, mais tous les aspects de la vie de tous les jours, tous les espaces publics (marchés, transports, lieux de cultes, cafés, places publiques…) », ajoute-t-il.

« La suspension temporaire s’impose » L’ancien ministre et diplomate, Abdelaziz Rahabi enchaîne, pour sa part, dans le même sens. « L’Algérie connait une situation d’urgence sanitaire imposée par la dangerosité du coronavirus, la précarité de notre système de santé et le non suivi des mesures préventives nécessaires qu’on observe dans les autres pays », précise-t-il.

De ce fait, dit-il, « la suspension temporaire des manifestations s’impose comme un devoir national pour préserver la santé publique, et ne constitue nullement une atteinte au droit du citoyen à se déplacer et à manifester pacifiquement pour porter ses revendications légitimes de justice et de liberté, dans des conditions sanitaires sûres ».

Les appels, dans ce sens, se sont multipliés depuis samedi dernier. « Le Hirak veut une vie meilleure pour les Algériens. La vie meilleure impose aujourd’hui la suspension momentanée du Hirak et la prise de mesures de prévention pour préserver la vie des gens. Le pouvoir est aussi appelé à prendre des mesures préventives, à libérer les détenus du Hirak et à cesser de les harceler », estime pour sa part, le journaliste Hafid Darradji.

Le célèbre chercheur algérien, Nourredine Melikchi appelle, lui aussi, à suspendre les marches. Certains internautes appellent aussi les manifestants à éviter « au Hirak une nouvelle accusation d’être à l’origine d’une catastrophe sanitaire ».

Jusqu’à présent, le débat est contradictoire. Des internautes estiment que « les transports et les espaces publics ne sont pas fermés et ils accueillent des foules nombreuses ». « Pourquoi se focaliser uniquement sur le Hirak ? C’est une ruse », commentent des facebookers.

Samir Rabah

L’Est Républicain, 16 mars 2020

Tags : Algérie, Hirak, coronavirus, contagion, manifestations,

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