Le carnage de Hanau : la folie facho

Marco Bascetta

Traduit par Fausto Giudice Фаусто Джудиче فاوستو جيوديشي

Les fantômes de la haine. Il s’agit d’une « haine » construite, fortement orientée et politiquement active qui tourne essentiellement autour du discours raciste dans ses différentes gradations. Des idées les plus délirantes sur la pureté raciale au pragmatisme apparent des politiques migratoires restrictives

Cette fois-ci, ça ne s’est pas passé au fin fond de l’Est, plongé dans les difficultés et les frustrations qui affligent encore les Länder de l’ancienne République démocratique allemande trente ans après la réunification, mais dans la Hesse riche et illuminée à une vingtaine de kilomètres des tours financières de Francfort, le cœur de l’Union européenne. Le kamikaze de Hanau semble avoir été un employé de banque de 43 ans, au casier judiciaire vierge, inconnu de la police, détenteur légal d’ armes à feu et couleur gris muraille. Bref, un « homme quelconque* ».

À propos du massacre qui a valu à l’homme les feux de la rampe médiatiques, le dirigeant d’Alternative für Deutschland, Jörg Meuthen, s’est empressé de souligner qu’il ne s’agissait pas d’un geste de droite ou de gauche, mais d’une pure et simple explosion de folie. Il ne fait aucun doute que les écrits laissés par Tobias Rahtjen, le terroriste, présentent divers aspects que nous serions enclins à considérer comme psychopathologiques et qui, cependant, dans les cercles d’extrême droite (pas seulement germaniques) convergent dans une sorte de sens commun, de mythologie partagée.

L’idée de pouvoirs occultes et « apatrides » qui régissent les destinées du monde, lisent dans les pensées, surveillent et régissent la vie de tout le monde est, à des degrés d’intensité divers, une obsession assez répandue. En fin de compte, la doctrine du « grand remplacement concocté par une obscure élite cosmopolite, dont la race blanche et la tradition culturelle européenne seraient victimes, même dans sa paranoïa évidente, est proclamée sous diverses formes par les forces politiques représentées dans les institutions et même par les représentants de gouvernements européens.

En Allemagne, donc, un mouvement récent, loin d’être marginal comme Pegida (Patriotes contre l’islamisation de l’Occident), proche de l’aile la plus extrême de l’AfD, en a fait le noyau de sa propagande et de sa mobilisation politique.

Il ne s’agit pas seulement le « langage de la haine » généralement exécré, mais de récits beaucoup plus articulés qui combinent des falsifications historiques, des doctrines et des constructions idéologiques avec le ressentiment social et son imaginaire malade et victimiste. Il s’agit en somme d’une « haine » construite, fortement orientée et politiquement active, qui tourne essentiellement autour du discours raciste dans ses différentes gradations. Des idées les plus délirantes sur la pureté raciale au pragmatisme apparent des politiques migratoires restrictives.

Le néonazisme en Allemagne est sans aucun doute un phénomène politique, et pourtant on ne peut pas ne pas reconnaître une composante psychopathologique, congénitale, répandue, mais loin d’être générique. Le « fou » de Hanau, le « loup solitaire », l’inconnu d’à côté a donc évolué dans un contexte précis, fait non seulement de suggestions racistes et de constructions théoriques xénophobes, mais désormais marqué par une longue liste de faits. De l’assassinat du responsable démocrate-chrétien de Hesse Walter Lübcke par un extrémiste de droite, à l’attaque de la synagogue de Halle en octobre dernier, en passant par l’arrestation récente de membres d’un réseau néonazi voué à l’organisation d’actions terroristes.

Cela fait un bon moment que, les attentats et les incendies criminels contre les demandeurs d’asile, la communauté juive et les étrangers en général se multiplient dans la Bundesrepublik. En bref, l’Allemagne a un sérieux problème, longtemps sous-estimé, d’insurrection néonazie non sans infiltrations dans les forces de l’ordre et dans l’armée. Sans compter qu’aujourd’hui, une force politique d’extrême droite et de plus en plus puissante comme l’AfD trouve une partie de son bassin électoral dans ce sous-bois et dans la zone grise qui l’entoure. Dans un climat à bien des égards favorables, les « loups solitaires » risquent cependant de devenir une meute, tout restant imprévisibles et incontrôlables.

Comme d’habitude, la réaction d’alarme des forces politiques et de l’opinion publique a été unanime, immédiate et décidée. Cependant, comme le montre la récente crise politique en Thuringe, le barrage contre la droite radicale n’est pas sans fissures. Et il n’est pas rare que, même du monde de l’establishment, arrivent des messages à teneur nationaliste prêts à être recueillis en termes xénophobes, voire élégamment racistes. Sans parler de la prétention désormais répandue de clore définitivement les comptes avec le passé et les responsabilités qui en découlent. Que certains interprètent comme le droit de se proclamer à nouveau nazis.

NdT

*Référence à un mouvement né après la 2ème Guerre mondiale, le Fronte dell’Uomo Qualunque (Front de l’homme quelconque), prônant le rejet de la politique institutionnelle et des politiciens professionnels. A donné naissance au terme péjoratif qualunquismo, utilisé pour désigner divers avatars du populisme de droite, comme le Mouvement 5 Étoiles.

Source : Tlaxcala

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