Algérie : Conte de fées, par Mohamed Abdoun

« Et le ministre des finances de l’époque, promu plus tard président du conseil constitutionnel, qui reconnait avoir » manqué d’intelligence « , et fait donc montre de sa totale incompétence, mais qui reste quand membre de l’élite qui préside aux destinées de l’Algérie… pendant ce temps, l’ancien directeur général de la CNAS, dont les compétences sont reconnues par tous, et qui n’est lié ni de près ni de loin à ce scandale, a quand même été condamné à sept longues années de prison ».

Par Mohamed Abdoun :

La mise au point du CPA, importante banque publique algérienne, sonne comme une sorte d’insulte collective lancée à la face de l’ensemble des citoyens algériens. Au lieu de prendre le parti d’en rire, la trouvant -à la rigueur- simpliste et plaisante, je ne peux m’empêcher de la considérer avant tout blessante, réduisant à néant le peu de discernement dont peuvent encore jouir la mémoire et l’intelligence collectives. Explications.

Pour faire court, en ce qui concerne cette mise au point, qui concerne la suspicion liée à un gros emprunt contracté par un oligarque en devise, doublé d’un transfert du plus gros de cette somme vers l’étranger, on nous indique très doctement, et très sobrement aussi, qu’il est » impossible » que de pareils emprunts et transferts aient pu se faire sans avoir obéi au préalable à une procédure lente, compliquée, et se déroulant sous divers contrôles, tant internes qu’externes. Voilà qui a de quoi rassurer le plus sceptique des quidams.

Oui, mais alors, qui peut nous expliquer comment se sont » goupillées » les affaires Khalifa et Tonic ? Ce dernier avait » pillé » les finances d’une banque publique, y puisant -au total- une somme bien supérieure à son capital social.

Quant au golden boy algérien, il a vidé des caisses sociales, avec la complicité d’un Sidi Saïd, qui a officiellement admis avoir commis des faux et vouloir assumer ce fait, sans jamais avoir été inquiété par la justice. Khalifa a, lui aussi, puisé dans les finances de divers fonds, transférés vers sa » banque » en échange de divers avantages consentis à l’adresse des donneurs d’ordres.

Non, impossible n’est pas français. Ni algérien d’ailleurs. En théorie, il est -presque certain- qu’il est impossible que les opérations citées au début de ce texte avaient pu avoir lieu avec cette déconcertante facilité. Mais, en pratique, il en va tout autrement.

Comme je l’ai si souvent répété dans ces mêmes colonnes, le problème chez nous ne se pose pas tant en termes d’arsenal juridique, mais plus mauvais qu’un autre, mais plutôt dans son application. Je ne pense pas trahir un quelconque secret en révélant ici que nous ne sommes pas tous égaux devant la justice.

Un Sidi Saïd, qui déclare assumer des faits gravissimes devant une juge à Blida, est rappelé à l’ordre par celle-ci, non pas pour ordonner son mandat de dépôt immédiat, mais simplement pour lui rappeler » maternellement » qu’il n’est là qu’en tant que témoin. Et le ministre des finances de l’époque, promu plus tard président du conseil constitutionnel, qui reconnait avoir » manqué d’intelligence « , et fait donc montre de sa totale incompétence, mais qui reste quand membre de l’élite qui préside aux destinées de l’Algérie…

Pendant ce temps, l’ancien directeur général de la CNAS, dont les compétences sont reconnues par tous, et qui n’est lié ni de près ni de loin à ce scandale, a quand même été condamné à sept longues années de prison. Car, il fallait bien des lampistes face à un scandale aussi retentissant. Amar Saidani, qui a raté l’occasion de rester loin des sunlights, a lui aussi reconnu avoir acheté un bien immobilier en France.

La justice ne s’est quand même pas saisie de cet énorme scandale, alors que l’on sait qu’il est interdit -j’allais dire » impossible » pour paraphraser le CPA- de transférer des fonds vers l’étranger sans respecter des procédures particulièrement strictes et onéreuses.

A cela s’ajoute le fait de savoir d’où il a obtenu une somme aussi importante, en monnaie forte. Tout cela pour dire, encore une fois, que la mise au point du CPA sonne comme une insulte à l’adresse de notre intelligence. Ce qui ne veut pas dire, forcément, que l’affaire en question ait quand même eu lieu.

Je veux juste dire par là que le CPA aurait dû se contenter de démentir ce fait sans aller plus loin dans sa littérature, car on sait que des choses, franchement pas catholiques, se déroulent au sein de notre système bancaire.

Le trop plein de bla-bla du CPA, qui touche le contraire de l’objectif recherché, me fait irrésistiblement penser à cette maxime vieille comme le monde, selon laquelle » qui se justifie, s’accuse… « .

M. A.

Tribune des Lecteurs, 27 mars 2019

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