Sahara occidental : le coup de force de la France et de la Russie

Une vicitime de l’intervention policière marocaine à El
Aaiun contre des manifestants sahraouis qui
manifestaient pour célébrer la Résolution 2099 du 
Conseil de Sécurité de l’ONU
La France et la Russie sont finalement parvenues à faire vider le projet de résolution américain sur le mandat de la Minurso de sa substance essentielle portant sur l’élargissement de la mission de la Minurso à la surveillance des droits de l’homme dans l’ancienne colonie espagnole.
Washington a fini par céder aux pressions de ces deux pays en acceptant de remanier fondamentalement le texte originel qui ne fait plus mention de l´octroi de cette mission à la Minurso, ni même de la mise en place d’un quelconque autre mécanisme onusien à cet effet.
Sans faire valoir le droit de veto
Seuls le Royaume-Uni et la Chine n’ont apparemment pas formulé d´objection sur l’initiative présentée par l’ambassadrice des Etats-Unis à l’ONU, Susan Rice, au groupe des Amis du Sahara occidental, composé des Etats-Unis, Russie, France, Royaume-Uni, Chine, en plus de l’Espagne en sa qualité d’ancienne puissance coloniale du territoire sahraoui. La France et la Russie, avec la complicité discrète de l’Espagne qui ne voulait pas trop se mettre en avant, ont donc réussi à faire avorter le projet sans être obligées d’aller jusqu’à l’usage du droit de veto. A la fin de la semaine dernière, Mme Susan Rice avait présenté, une première fois, un nouveau texte suggérant d´élargir au Haut Commissariat aux réfugiés (HCR) la mission de surveillance des droits de l´homme au Sahara occidental. Même cette alternative à la Minurso, «plus souple» aux yeux des observateurs et qui pouvait favoriser le consensus au sein du groupe, n´a pas été acceptée par Paris et Moscou, pour des raisons qui leur sont propres. Pourtant, cet organisme onusien (le HCR) ne dispose pas des mêmes moyens de surveillance sur le terrain qui sont aux mains de la Minurso.
Une simple référence au respect des droits de l´homme 
Le Conseil de sécurité de l´ONU, dont les travaux ont été ouverts le 22 avril, a donc été saisi d´un texte sans consistance qui se limite à recommander d´«encourager le respect des droits de l´homme» dans l´ancienne colonie espagnole. Toutes les modifications introduites par Mme Rice auront suscité la colère de Rabat dont le vice-ministre des Affaires étrangères, Youssef Amrani, qui a protesté, mardi, contre «ce qu´il a appelé une violation de la souveraineté» de son pays à travers une initiative «qui fait le jeu d´une organisation terroriste», en allusion au Front Polisario. Parallèlement à l´activisme diplomatique de la France, derrière lequel s´est confortablement retranchée l´Espagne, le roi Mohammed VI avait dépêché, ces derniers jours, le ministre des Affaires étrangères, Saadine El Othmani, le patron des services de renseignements,Yassine Mansouri, et son proche conseiller et ami Fassi Fihri, à Moscou, Londres et Pékin, des capitales de pays membres du groupe des Amis du Sahara occidental supposées soutenir l´initiative américaine. Usant du double langage, la diplomatie espagnole était acquise à la démarche marocaine depuis la visite effectuée par M. Youssef Amrani au début du mois à Madrid pour tenter de convaincre le gouvernement Rajoy de ne pas soutenir l´initiative américaine.
Entre les intérêts et la crainte des représailles
L´annulation à l´initiative de Rabat – en représailles contre l´initiative de Washington – des manœuvres militaires conjointes pour 2013 entre le Maroc et les Etats-Unis a fait réfléchir l´Espagne. Ce pays, qui a délogé la France de la première place des clients du Maroc, a choisi la préservation de ses intérêts économiques à ses responsabilités historiques envers son ancienne colonie. Le ministre des Affaires étrangères, Gracía-Margallo, soutenait, encore récemment devant le congrès des députés la mise en place d’un mécanisme sur la surveillance des droits de l´homme au Sahara occidental. Le Conseil de sécurité de l’ONU devrait sans difficultés adopter à l´unanimité de ses quinze membres le projet de résolution américain, à la fin du mois d´avril. Que sera donc la réaction de la Fondation Kennedy qui a bataillé jusqu´au bout pour la surveillance des droits de l´homme au Sahara occidental ? Le Parlement européen aura sans doute son mot à dire à ce propos. Quant aux organisations humanitaires internationales, qui avaient applaudi l´initiative américaine, elles ont déjà eu un début de réaction même si elles préfèrent attendre la réponse finale du Conseil de sécurité. Pour Eric Goldstein de Human Righs Watch (HRW) il est scandaleux que les Etats-Unis aient «cédé aux pressions marocaines».
Les Echos d’Algérie, 25 avril 2013

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